L‘exploitation commerciale de l’image d’enfants de moins de 16 ans sur les plateformes en ligne est désormais encadrée par le loi n° 2020-1266 publiée le 20 octobre 2020. Cette loi entrera en vigueur six (6) mois après sa publication, soit à compter du 20 avril 2021. Par ailleurs, le gouvernement devra remettre au Parlement dans un délai de six (6) mois, soit avant le 20 avril 2021, un rapport évaluant le renforcement de la protection des données des mineurs depuis la mise en place du RGPD (1)

Les vidéos ayant recours à des enfants de moins de 16 ans, voire même de moins de 13 ans rencontrent un succès croissant aux Etats-Unis ainsi qu’en Europe et en France. Ce succès grandissant, ont conduit certains à plaider pour l’application du California Child Actor’s Bill (également appelé Coogan Act ou Coogan Bill), qui protège les enfants acteurs, à ce phénomène nouveau, d’autant que la majorité des plateformes sont implantées en Californie.

L’objet de la proposition de loi n°2519, présentée par Mesdames et Messieurs Bruno STUDER, Gilles LE GENDRE et les membres du groupe La République en Marche et apparentés, députés étaient de mettre en place un cadre légal, pionnier au plan international, pour la réalisation de ces vidéos qui fasse prévaloir l’intérêt de l’enfant.

Les enjeux du nouveau cadre juridique de l’exploitation commerciale de l’image des enfants sur les plateformes numériques

Cette loi qui comporte uniquement 8 articles prévoit :

  • d’encadrer les situations dans lesquelles l’activité de l’enfant relève du droit du travail.  Pour ces activités l’application du régime protecteur des enfants faisant du mannequinat est étendu ;
  • la soumission de la diffusion de l’image d’un enfant de moins de 16 ans sur un service de plateforme de partage de vidéos, lorsque l’enfant en est le sujet principal, à une déclaration auprès de l’autorité compétente (les directions départementales de la cohésion sociale) par les représentants légaux ;
  • l’obligation de retrait immédiat par les plateformes des vidéos mises à disposition du public en méconnaissance de l’obligation d’autorisation individuelle ou d’agrément ;
  • l’encadrement des pratiques de partage de vidéos mettant en scène des mineurs ne relevant pas du droit du travail ;
  • la responsabilisation des services de plateforme en matière de diffusion de contenus sur des enfants de moins de seize ans et des sanctions à l’encontre des plateformes numériques  ;
  • l’ouverture de l’exercice du droit d’effacement des données personnelles aux mineurs.

Exploitation commerciale : l’extension du régime des enfants du spectacle aux enfants figurant dans des vidéos diffusées sur les plateformes en ligne

Par exception au principe général d’interdiction du travail des enfants, le nouveau régime instauré par la loi étend le régime d’autorisation individuelle préalable applicable aux enfants employés dans le secteur du spectacle, de la publicité et de la mode à 2 catégories d’enfants :

  • les enfants engagés ou produits en vue d’une diffusion sur un service de média audiovisuel à la demande ;
  • les enfants dont l’image est diffusée à titre lucratif sur des plateformes de partage de vidéos et dont l’activité relève, au plan juridique, d’une relation de travail.

A l’heure actuelle avant l’entrée en vigueur de la loi, le régime d’autorisation individuelle ne s’applique pas en effet aux contenus produits pour les services de médias audiovisuels à la demande (SMAD) (2)

Le nouveau régime d’autorisation sera désormais applicable aux enfants produits ou engagés dans une entreprise réalisant des enregistrements audiovisuels. Ce nouveau régime s’appliquera, quel que soit leur mode de diffusion. Avant l’adoption de ce nouveau cadre juridique, les enfants ne bénéficiaient d’aucune garantie sur la durée de travail ou la protection de leurs revenus.

Tout réalisateur,  producteur ou annonceur, qui engagera,  à partir du 20 avril 2021, un enfant de moins de 16 ans pour produire un contenu diffusé à titre lucratif sur une plateforme de partage de vidéos, devra préalablement solliciter une autorisation individuelle auprès de l’autorité administrative.

Chaque demande d’autorisation fait l’objet d’une procédure d’instruction.

Chaque enfant devra disposer d’une autorisation individuelle délivrée par une autorité administrative, la direction départementale de la cohésion sociale. Cette autorisation peut être retirée à tout moment. De plus si l’enfant est âgé de plus de treize ans, son avis favorable écrit est recueilli.

L’autorisation n’est délivrée que si l’activité lucrative envisagée respecte les intérêts de l’enfant.

Qu’est-ce qu’une activité lucrative ?

Une activité est considérée comme lucrative si au moins l’un des critères suivants est réuni :
– recours à la publicité sous une forme quelconque en vue de la recherche de la clientèle ;
– la fréquence ou l’importance établie ;
– la facturation est absente ou frauduleuse ;
– les activités artisanales, l’utilisation de matériel ou d’un outillage présentent par nature ou  importance un caractère professionnel.

Le non-respect du régime d’autorisation expose à des sanctions pénales.

Le réalisateur ou producteur qui ne respecte pas l’obligation de détenir une autorisation individuelle pour un enfant âgé de moins de 16 ans encourt jusqu’à cinq ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende.

Exploitation commerciale : l’encadrement des pratiques de partage de vidéos concernant les  mineurs de moins de 16 ans ne relevant pas du droit du travail

A l’heure actuelle, si  l’une des trois conditions  n’est pas remplie (prestation de travail, rémunération et lien de subordination), les régimes d’autorisation individuelle préalable ou d’agrément prévus par le code du travail ne s’appliquaient pas.

La loi et son article 3 créé un cadre juridique protecteur pour les enfants de moins de 16 ans. Lorsqu’ils  participent à des vidéos diffusées par des plateformes de partage de contenus audiovisuels mais dont l’activité n’entre pas, stricto sensu, dans le cadre d’une relation de travail.

Le nouveau cadre juridique introduit un régime de déclaration avec l’application de mesures protectrices, en termes d’horaires et de rémunération.

Les agréments pour l’engagement d’enfants de moins de seize ans sont accordés par l’autorité administrative pour une durée déterminée renouvelable. Ces agréments peuvent être retirés à tout moment. En cas d’urgence, ils peuvent même être suspendus pour une durée limitée.

Exploitation commerciale : l’obligation de retrait immédiat par les plateformes des vidéos mises à disposition du public en méconnaissance de l’obligation d’autorisation individuelle ou d’agrément

Les vidéos de jeunes enfants, rencontrent un succès croissant, mais soulèvent d’importantes questions quant aux intérêts des enfants qu’elles mettent en scène. En effet, l’exposition médiatique d’enfants pourrait ne pas être sans conséquence sur leur santé psychique. Au-delà de l’impact que peut avoir la célébrité sur le développement psychologique de ces enfants, les risques de cyber-harcèlement voire de pédo-pornographie se trouvent accrus par le tournage de vidéos.

C’est pour cette raison, que le nouveau cadre juridique oblige également les services de plateformes de partage de vidéos à rendre indisponibles les contenus que l’autorité administrative signale comme ne respectant pas l’obligation d’autorisation préalable concernant le travail des enfants de moins de seize ans ou qui contreviendraient à l’intérêt de l’enfant.

Exploitation commerciale : la responsabilisation des services de plateforme de diffusion de contenus d’enfants de moins de seize ans et les sanctions

L’article 5 alinéa 1er de la loi, entend développer la coopération entre les plateformes et les associations pour leur permettre d’élaborer, sous l’égide du CSA, des chartes régissant les « zones grises » où la protection de l’enfance est en jeu.

L’article 15-1 de la loi du 30 septembre 1986 applicable à compter du 20 avril 2021 prévoit que « Le Conseil supérieur de l’audiovisuel promeut l’adoption par les services de plateforme de partage de vidéos des chartes prévues à l’article 4 de la loi n° 2020-1266 du 19 octobre 2020 visant à encadrer l’exploitation commerciale de l’image d’enfants de moins de seize ans sur les plateformes en ligne.

Le second alinéa de l’article 15-1 prévoit également que le CSA publie « un bilan périodique de l’application et de l’effectivité de ces chartes. A cette fin, il recueille auprès de ces services, dans les conditions fixées à l’article 19 de la présente loi, toutes les informations nécessaires à l’élaboration de ce bilan ».

L’objectif est ici pour tous ceux qui sont en charge de la protection de l’enfance, associations, préfets et directions départementales de la cohésion sociale, mais aussi le juge, de disposer d’outils leur permettant de travailler.

Les services de plateformes de partage de vidéos devront adopter des chartes qui sont destinées à :

  • favoriser l’information des utilisateurs sur les dispositions applicables en matière de diffusion de l’image d’enfants de moins de seize ans par le biais de leurs services ;
  • favoriser le signalement, par leurs utilisateurs, de contenus audiovisuels mettant en scène des enfants de moins de 16 ans qui porteraient atteinte à leur dignité ou à leur intégrité morale ou physique ;
  • prendre toute mesure utile pour empêcher le traitement à des fins commerciales, telles que le démarchage, le profilage et la publicité basée sur le ciblage comportemental, des données à caractère personnel de mineurs qui seraient collectées par leurs services à l’occasion de la mise en ligne par un utilisateur d’un contenu audiovisuel où figure un mineur ;
  • améliorer, en lien avec des associations de protection de l’enfance, la détection des situations de réalisation ou la diffusion de contenus qui porteraient atteinte à la dignité ou à l’intégrité morale ou physique des mineurs de moins de 16 ans.

L’ouverture de l’exercice du droit d’effacement des données personnelles aux mineurs

L’article 6 de la loi prévoit que « Le consentement des titulaires de l’autorité parentale n’est pas requis pour la mise en œuvre, par une personne mineure, du droit à l’effacement des données à caractère personnel » (3).


POUR EN SAVOIR PLUS  :

Loi  n°2020-1266 visant à encadrer l’exploitation commerciale de l’image d’enfants de moins de seize ans sur les plateformes en ligne du 19 octobre 2020

Proposition de loi visant à encadrer l’exploitation commerciale de l’image d’enfants de moins de seize ans sur les plateformes en ligne, présentée par Mesdames et Messieurs Bruno STUDER, Gilles LE GENDRE et les membres du groupe La République en Marche et apparentés, députés.

Rapport n° 532 (2019-2020) de M. Jean-Raymond HUGONET, fait au nom de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, déposé le 17 juin 2020

Rapport n° 2651 de M. Bruno STUDER, député, fait au nom de la Commission des affaires culturelles et de l’éducation sur la Proposition de loi.

Article 6-2 dans la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique (Version à venir au 20 juin 2021)

Article 15-1 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication (Loi Léotard)

Infraction de travail dissimulé pour les mineurs soumis à l’obligation scolaire, Article L. 8224-2 du code du travail.


Consultez également les dispositions du Code du travail 

L’article L.7124-1 du Code du travail (Version consolidée au 20 avril 2021) dispose :

« Un enfant de moins de seize ans ne peut, sans autorisation individuelle préalable, accordée par l’autorité administrative, être, à quelque titre que ce soit, engagé ou produit :

1° Dans une entreprise de spectacles, sédentaire ou itinérante ;

2° Dans une entreprise de cinéma, de radiophonie, de télévision, d’enregistrements sonores ou d’enregistrements audiovisuels, quels que soient leurs modes de communication au public ;

3° En vue d’exercer une activité de mannequin au sens de l’article L. 7123-2 ;

4° Dans une entreprise ou association ayant pour objet la participation à des compétitions de jeux vidéo au sens de l’article L. 321-8 du code de la sécurité intérieure ;

5° Par un employeur dont l’activité consiste à réaliser des enregistrements audiovisuels dont le sujet principal est un enfant de moins de seize ans, en vue d’une diffusion à titre lucratif sur un service de plateforme de partage de vidéos.

En cas d’obtention de l’autorisation mentionnée au 5° du présent article, l’autorité administrative délivre aux représentants légaux une information relative à la protection des droits de l’enfant dans le cadre de la réalisation de ces vidéos, qui porte notamment sur les conséquences, sur la vie privée de l’enfant, de la diffusion de son image sur une plateforme de partage de vidéos. Cette information porte également sur les obligations financières qui leur incombent, en application de l’article L. 7124-25 ».


Tags : Agrément, SMAD, Autorisation individuelle préalable, Services de médias audiovisuels à la demande, Droit d’effacement des données personnelles des mineurs, Exploitation commerciale, Image des enfants de mois de 16 ans


AUTRES TEXTES  : 

(1) Règlement n° 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, abrogeant la directive 95/46/CE (règlement général sur la protection des données.

(2) L’article 2 de la loi du 30 septembre 1986 relatif à la liberté de la communication audiovisuelle définit les SMAD comme « « tout service de communication au public par voie électronique permettant le visionnage de programmes au moment choisi par l’utilisateur et sur sa demande, à partir d’un catalogue de programmes dont la sélection et l’organisation sont contrôlées par l’éditeur de ce service ».

(3) Ce droit est prévu à larticle 51 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés.