Le droit à la preuve peut-il justifier la production en justice d’éléments extraits du compte privé Facebook d’un salarié ?

Par un arrêt du 30 septembre 2020, la Cour de cassation (Chambre sociale) répond par l’affirmative.

Il résulte des articles 6 et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, et 9 du code civil et 9 du code de procédure civile, que le droit à la preuve peut justifier la production d’éléments portant atteinte à la vie privée à la condition que cette production soit indispensable à l’exercice de ce droit et que l’atteinte soit proportionnées au but poursuivi.

Les faits de l’affaire

Mme X a été engagée à partir du 1er juillet 2010 en qualité de chef de projet export au sein de la société Petit Bateau.

Le 15 mai 2014, elle est licenciée pour faute grave par la société Petit Bateau, pour manquement à son obligation contractuelle de confidentialité. En effet, la salariée a publié le 22 avril 2014 sur son compte Facebook une photographie de la nouvelle collection printemps/été 2015. Cette collection avait été présentée en exclusivité aux commerciaux de Petit Bateau.

Mme X a contesté son licenciement et a saisi le Conseil de prud’hommes.

Devant la Cour d’appel de Paris, elle a soutenu que la preuve des faits qui lui était reproché ne lui était pas opposable, les éléments de preuve étant issu d’un extrait privé de son compte Facebook. La Cour d’appel de Paris dans son arrêt du 12 décembre 2018 a jugé le licenciement de la salariée fondé sur une faute grave et l’a débouté de ses autres demandes au titre de la rupture du contrat.

Pour juger que le droit à la preuve pouvait  justifier la production en justice d’éléments extraits du compte privé Facebook portant atteinte à sa vie privée, la Cour de cassation a rappelé les deux conditions cumulatives :

  • la production en justice d’éléments extraits du compte privé Facebook doit être indispensable à l’exercice du droit à la preuve ;
  •  l’atteinte à la vie privée doit être proportionnée au but poursuivi.

La production en justice d’éléments du compte privé Facebook doit être indispensable à l’exercice du droit à la preuve

La Cour de cassation a considéré que la production en justice par un employeur d’une photographie extraite du compte privé Facebook d’une de ses salariés, auquel il n’était pas autorisé à accéder, pouvait constituer une attente à la vie privée de Mme X.

Mais pour rejeter les moyens de cassation soulevés dans son pourvoi par Mme X, la Cour de cassation retient que la Cour d’appel a relevé que la production d’éléments portant atteinte à la vie privée de la salariée était indispensable à l’exercice du droit à la preuve et proportionnée au but poursuivi, qui est la défense de l’intérêt légitime de l’employeur à la confidentialité de ses affaires.

L’atteinte à la vie privée doit être proportionnée au but poursuivi

La salariée licenciée a contesté son licenciement au motif que l’employeur ne pouvait pas porter une atteinte disproportionnée et déloyale à son droit au respect de sa vie privée.

Elle soutenait également que la société Petit Bateau ne peut s’immiscer dans ses publications sur les réseaux sociaux.

La Cour d’appel de Paris a jugé que l’employeur n’avait commis aucun fait illicite ou procédé déloyal d’attente à la vie privée.

La Cour de cassation a rappelé qu’en application du principe de loyauté dans l’administration de la preuve, un employeur ne pouvait avoir recours à un stratagème pour recueillir une preuve.

En pratique, la publication litigieuse a été communiquée spontanément à la société Petit Bateau par une autre salariée de la même société par e-mail,  qui avait été autorisée à accéder comme « ami Facebook » sur le compte privé Facebook de Mme X.

La Cour de cassation a considéré que ce procédé d’obtention de preuve n’était pas déloyal.

 

POUR EN SAVOIR PLUS : 

Arrêt n°779 du 30 septembre 2010 de la Chambre sociale de la Cour de cassation.

Autres arrêts de la Cour de cassation sur le même thème (Droit à la preuve) :

Arrêt n° 2013 du 9 novembre 2016 (15-10.203) de la Chambre sociale  de la Cour de cassation.